Je suis née à Marseille et j’y ai vécue pendant 24 ans avant de venir sur Toulouse, deux villes connues pour leur accent typique du Sud.
Pourtant, y a rien a faire, j’ai pas vraiment d’accent et c’est l’une des premières choses qu’on me fait remarquer quand je dis que je viens de Marseille.
“On dirait pas, t’as pas l’accent !”
Comme si l’accent était une valeur indétachable de l’identité phocéenne, que sans ça on est pas vraiment Marseillaise...
Est-ce que je peux m’identifier comme Marseillaise si je n’aime pas les fruits de mer, que je n’ai pas l’accent et que je ne suis pas une grande amatrice de foot alors que j’y ai vécu presque toute ma vie ?
Si vous avez lu l’article sur l'Identité Sociale (Pourquoi les introvertis sont des êtres sociaux), vous vous rappellerez sans doute qu’on a une tendance naturelle à se définir par son groupe d’appartenance, mais qu’il y a des moments, des contextes dans lesquels on va plus ou moins se définir comme appartenant au groupe ou non.
En psychologie sociale, si l’on s'intéresse aux relations entre les groupes (intergroupe) et aux relations dans un groupe (intragroupe), certaines études vont utiliser l’appartenance à un groupe comme critère de catégorisation (Ex: Les hommes et les femmes).
Pourtant le fait d'être associé à un groupe social ne signifie par s'y identifier et en accepter tous les codes (ex: Être née à Marseille et ne pas aimer les fruits de mer).
C'est là qu'intervient l'importance du deuxième processus de l'Identité Sociale : L'Identification Sociale.
L'identification sociale
En effet, l’Identification Sociale est un facteur qui joue un rôle essentiel lors de la construction des attitudes et comportements dans les relations intergroupes mais également dans les relations intragroupes.
Bien que l’on parle de l’identification comme une unité, elle est composée de plusieurs dimensions.
Pour comprendre quels sont les éléments qui composent cette identification, je vous propose un petit résumé d’un article dont l’objectif était de créer un questionnaire permettant de mesurer le niveau d’identification d’un individu. Pour cela, les auteurs ont fait ce qu'on appelle une méta-analyse (analyser un certain nombre d'études qui traitent d'un même sujet pour en tirer des résultats plus complets) des recherches qui mesuraient l’identification.
Leach et ses collaborateurs (2008), ont ainsi élaboré une mesure multifactorielle de l’Identification Sociale avec un modèle à deux dimensions :
1. La Définition de Soi dans le Groupe composée de deux facteurs:
- Auto-stéréotypage
- Homogénéité endogroupe
2. l’Investissement de Soi composée de trois facteurs
- Solidarité
- Satisfaction
- Centralité
Je sais, ça à l’air compliqué, mais décortiquons un peu tout ça...
La Définition de Soi dans le Groupe.
La Définition de Soi dans le Groupe c’est ce qui mesure le niveau de catégorisation de l’individu lui permettant de se définir dans le groupe et dans la société.
Cette dimension correspond à la faculté de se trouver des similarités avec les autres membres du groupe et à penser le groupe comme une unité.
Auto-stéréotypage :
L’individu se conçoit par rapport aux stéréotypes du groupe (aimer le foot et les fruits de mer)
Homogénéité endogroupe
Il définit les membres du groupe comme des individus partageant également ces stéréotypes (les Marseillais aiment tous le foot et les fruits de mers)
Et avec ces deux processus, une personne se crée ainsi une identité commune pour tous les membres, lui y compris.
L’Investissement de Soi.
L’Investissement de Soi va mesurer le niveau d’identification psychologique et émotionnel d’un individu par rapport à un objectif ou projet commun et son engagement auprès du groupe.
Satisfaction
L’individu développe un sentiment positif lié à l’appartenance au groupe (Marseille, à jamais les premiers),
Solidarité
Un niveau d’engagement envers les causes et les problématiques du groupe (Allez l'OM)
Centralité
Ainsi que l’importance du groupe dans la définition de sa personne (Marseille c'est le sang).
Ces trois facteurs permettent à l’individu de créer une connexion psychologique et émotionnelle avec les autres membres du groupe.
Globalement, plus ces facteurs sont élevés, et plus on s’identifie à son groupe d'appartenance. Au contraire, moins ces facteurs sont élevés, moins on s’identifie à son groupe.
Et si ce modèle est intéressant, c'est parce qu'il permet une mesure statistique de l'identification plus fiable que les modèles précédents.
De plus, une approche de l'identification comme multifactorielle permet de comprendre comment certains facteurs précis peuvent avoir une influence sur les comportements.
Notamment le facteur de centralité qui est lié à une plus grande perception de discrimination envers son groupe (Mais nous y reviendrons dans un autre article).
Du coup si parfois je ne me sens pas une vraie Marseillaise quand je me rend compte que je ne répond pas à tous les clichés de la ville, c'est peut-être aussi parce que j'ai tendance à penser que Marseille est une ville multiculturelle dont chaque habitant est un humain à part entière et qui ne ressemble à aucun autre.
Bien sûr qu'il y a des clichés, bien sûr qu'on roule mal à Marseille, et que les éboueurs sont en grève un jour sur deux.
Mais cette mer,
C'est quand même un peu ma mer,
Là où j'ai créé mes souvenirs d'enfant, d'adolescente, d'adulte,
Et même si je suis bien à Toulouse et que j'y construit ma nouvelle vie,
Chaque fois que je la revois je me sens chez moi.
A toi ma mère
Source
Anglais
Leach, C. W., van Zomeren, M., Zebel, S., Vliek, M. L. W., Pennekamp, S. F., Doosje, B., Ouwerkerk, J. W., & Spears, R. (2008). Group-level self-definition and self-investment: A hierarchical (multicomponent) model of in-group identification. Journal of Personality and Social Psychology, 95(1), 144–165. https://doi.org/10.1037/0022-3514.95.1.144
Prentice, D. A., Miller, D. T., & Lightdale, J. R. (1994). Asymmetries in attachments to groups and to their members: Distinguishing between common-identity and common-bond groups. Personality and Social Psychology Bulletin, 20(5), 484-493. https://doi.org/10.1177/0146167294205005
Tajfel, H. (1978). Differentiation between social groups: Studies in the social psychology of intergroup relations. Academic Press.
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