On est tous et toutes déjà tombé sur ce genre d’image. Que ce soit dans des documentaires sur le cyber-harcèlement, le piratage des données, ou encore les criminels qui sévissent à travers le Dark Web (à dire avec une grosse voix grave). Bref l’image du malfaiteur du web par excellence : Le hacker !
Et peut-être que pour vous ça coule de source comme image d’un hacker, ou peut-être que comme moi vous vous êtes demandé : Mais elle sert à quoi la cagoule là? Il doit avoir méga chaud. Ça a l’air pas pratique du tout cette histoire. En plus il est dans le noir, ça doit lui éclater les yeux toute cette luminosité, il connait pas le mode nuit ? Et... DES GANTS??
Vous savez moi si j’étais policière, plutôt que de chercher les hackers sur internet j’irai chercher du côté des gens qui bossent chez Décathlon. (Appelez moi Sherlocka)
Bon je plaisante, je plaisante, mais quelle est la raison pour laquelle on représente les hackers de cette façon ? Et pourquoi ça choque pas tant que ça comme représentation ?
Si vous avez lu mes articles précédents vous avez sûrement déjà la réponse :
C’est une question de stéréotypes et représentations sociales.
Je vous ai déjà parlé des stéréotypes et j’ai rapidement abordé les représentations dans l’article “Une salade de fruit sans tomates s’il-vous plaît", alors n’hésitez pas à compléter vos connaissances en allant lire cet article avant d’entamer celui-là.
Les représentations sociales
D’après le Psychologue social Jean Claude Abric, “une représentation sociale est le produit et le processus d’une activité mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification spécifique” (Abric, 1987).
Ces représentations sont constituées de deux systèmes :
- Le Noyau Central
- Le Système Périphérique
Noyau Central
Le Noyau Central d’une représentation regroupe les caractéristiques principales qui font de la représentation ce qu’elle est. Ce sont les éléments sur lesquels tout le monde s’accorde pour définir l’objet de la représentation.
Les éléments qui composent le noyau central sont hiérarchisés, c’est à dire que certains éléments seront plus importants que d’autres, ils peuvent être normatifs (apporter un jugement de valeur) ou fonctionnels (être descriptifs).
Exemple
Le principe de piratage informatique est essentiel à la représentation du hacker. Si la représentation de l'objet n’est pas liée à un système informatique (élément fonctionnel) et qu’elle n’est pas liée non plus à l’introduction illégale dans un système (élément normatif), on ne pourrait alors pas parler de hacking.*
Quant à savoir quel élément est plus important que l’autre, il faudrait faire une étude et comparer le pourcentage d’occurrence (nombre de fois où un mot apparaît) des mots et voir lequel semble le plus important pour la représentation.
Système périphérique
Le système périphérique regroupe les éléments qui habillent la représentation, ils peuvent varier d’un individu à l’autre, d’un contexte à l’autre etc.
Le système périphérique permet de concrétiser la représentation et peut être personnalisable.
Exemple
Sur l'image de notre hacker il faudrait mettre notre personnage devant un élément qui puisse représenter l’informatique. Il peut s'agir d'un ordinateur portable, fixe, une tablette, un téléphone etc.
Mais également, l’habiller de façon à ce qu’il représente une personne réalisant une activité d’intrusion comme un cambrioleur, il peut avoir une capuche, une cagoule, être dans le noir, avoir des gants etc.
“Chercher le noyau central, c’est donc chercher la racine, le fondement social de la représentation, qui, ensuite, se modulera, se différenciera, et s’individualisera dans le système périphérique.” (Abric 2001)
L'activation des éléments
Si je vous présente l’image d’une jeune femme, dans le noir, en train de taper sur son clavier d’ordinateur avec pour seul éclairage la luminosité de son écran, vous ne penserez pas forcément à une hackeuse mais plutôt à une meuf qui écrit un article sur un blog de vulgarisation et qui n’a aucune compétence dans la gestion du temps. (Et vous auriez bien raison !)
Pourquoi ?
Parce que même si la partie informatique est présente à travers l’image de l'ordinateur, et que la scène semble se passer de nuit, vous n’avez pas la représentation de “danger” ou "d'illégalité" qui pourrait être activée et qui vous permettrait de conclure que cette personne est en train de faire quelque chose d'illicite.
(Pourtant elle est probablement en train de hacker votre cerveau !)
Et si à l’inverse je vous mets l’image d’un cambrioleur cagoulé, avec des gants, une lampe torche et un gros sac rempli d'objets, et bien vous penserez d’abord et surtout à un cambriolage mais pas à du hacking car aucune information ne vous a permis d’activer la représentation de l’élément “informatique”.
Pour pouvoir représenter correctement un hacker il parait donc important d’avoir les deux élément du noyau que sont l’informatique et l’intrusion illégale.
Moins l’individu a de connaissances concernant l’objet de la représentation, plus il aura besoin d’éléments stéréotypés et normatifs pour se créer une représentation. Au contraire, les personnes qui s’y connaissent vont plutôt baser leur représentation sur des éléments fonctionnels et spécifiques.
Exemple des représentations que l’on pourrait retrouver :
Mamie Renée : Les hackers sont des délinquants des internets !
(Normatif : Jugement de valeur négatif, utilisation de stéréotypes)
Dark-Sasuke310 : Les hackers sont des utilisateurs de malwares dont les objectifs et méthodes peuvent varier d’un individu à l’autre.
(Fonctionnel : On décrit l'activité exercée, utilisation d'un vocabulaire spécifique)
Conclusion
Pour résumer, même si vous avez suffisamment de connaissances pour savoir qu’un hacker n’a pas besoin d’une cagoule, il faut reconnaître que pour représenter le plus simplement cette idée il va falloir passer par des stéréotypes et ce, d’autant plus si vous ne vous y connaissez pas trop en hacking !
C’est pour ça que dans les reportages ou articles qui parlent de hacking vous retrouverez obligatoirement cette représentation, qu’elle soit là pour illustrer un propos ou pour déconstruire la représentation.
Ce qu'il vous faut retenir c'est que si vous voulez parler au plus grand nombre, le plus efficace c’est d’utiliser la représentation la plus stéréotypée et normative possible. Gardez la demi-mesure et la subtilité pour les connaisseurs.
*(Les éléments choisis comme centraux pour illustrer mon propos se basent sur ma conception et si j’avais voulu être pointilleuse il aurait fallu réaliser une étude au préalable sur la représentation sociale des hackers, mais n’ayant ni les moyens ni la motivation nous nous contenterons du fait que l’exemple est là pour illustrer un concept en utilisant des stéréotypes. Représentationception).
Sources
Abric, J.C. Coopération, Compétition et Représentation Sociales. Cousset : DelVal. 1987.
Abric, J. C. (2001). L’approche structurale des représentations sociales: développements récents. Psychologie et société, 4(2), 81-104.
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