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Photo du rédacteurCamille Pierret

Petit traité de Squid Game à l’usage des honnêtes gens - épisode 2


Résumé de l'épisode précédent :


" [....] ce titre est un hommage à l'œuvre de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, “Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens”.

Dans ce livre, les auteurs nous parlent des études et expériences réalisées en psychologie sociale pour comprendre comment marche l’influence dans les situations sociales et à quel point des petits actes “innocents” peuvent amener des personnes à réaliser une action contraires à leurs intérêts voire idéaux.

Et pour vous convaincre je vais vous dérouler dans les deux prochains articles l’une des principales théories que j’ai aperçue dans mon visionnage de Squid Game, dès le début de la série, à savoir : La Théorie de l’Engagement.

[...] "



Dans l'épisode 1 on a parlé de la première phase de la manipulation en évoquant les concepts de pied-dans-la-porte, porte-au-nez, sentiment de liberté et engagement. Ici on va parler de la deuxième phase de la manipulation et finir sur une petite conclusion.

Si vous débarquez sur cet article, je vous invite à d'abord aller lire l'épisode 1, ça fera beaucoup plus sens.


En plus ça tombe bien, cette deuxième phase arrive au début de l'épisode 2 de la série !


 

Deuxième phase de la manipulation :



Concept 5 : Le caractère public de l’acte


Squid Game :

Une fois endormi et enfermé dans un hangar sans repère, Gi-Hun se réveille avec 455 autres personnes qu’il ne connaît pas, dont un petit vieux tout choupinoupinet (nope) qui porte le numéro 001 (COMME DE PAR HASARD).

Arrive alors Monsieur Carré qui explique à tout le monde que, s' ils sont là, c’est de leur plein gré, qu’ils sont gravement endettés donc que c’est dans leur intérêt de jouer et qu'ils ont bien vu que durant le premier jeu, ils ont effectivement reçu de l’argent. Donc pourquoi douter de leur sincérité ? De toute façon, tous ceux qui doutent sont affichés. Leur nom, et le montant de leur dettes sont mises à nues.

Et puis, histoire d’en rajouter, il se permet de renforcer leur sentiment de liberté en leur proposant un faux choix : “Retourner dans la vraie vie et devoir payer des dettes ou jouer à un jeu.

Petit traité :

“Ainsi, dans certaines expériences, on manipulera l’engagement par le caractère privé ou public de l’acte, en considérant qu’il est plus engageant de faire quelque chose sous le regard d’autrui ou après avoir décliné son identité, que de faire la même chose à l’abri du regard d’autrui ou dans l’anonymat.”


Mon commentaire :

En leur mettant sous le nez qu’ils sont tous engagés librement dans cette décision et maintenant qu’il y a des témoins, il devient de plus en plus difficile de justifier qu'ils ont été forcés.



Concept 6 : L’amorçage


Squid Game :

Maintenant que tout le monde est d’accord avec l’idée de participer, vient le moment assez étrange où ils doivent signer un formulaire de consentement. Une première porte de sortie est proposée pour renforcer le sentiment de liberté, que personne ne prend évidemment.

Ce formulaire contient 3 règles très importantes.

  1. Les joueurs n’ont pas le droit d’arrêter de jouer

  2. Les joueurs refusant de jouer seront éliminés

  3. Le jeu peut-être arrêté si la majorité est d’accord

Petit Traité :

“[L’amorçage] implique deux décisions de la part de l’individu amorcé, la première avant qu’il ne connaisse toutes les conséquences coûteuses de l’acte dans lequel il s’engage ; la seconde après avoir acquis cette connaissance. La notion d’amorçage traduit la persévération de la première décision lorsque la personne prend la seconde, cette fois en toute connaissance de cause. Si on peut parler de manipulation c’est parce que dans tous les cas, la décision finale eût été tout autre si celui qui en est la victime avait reçu d’entrée de jeu une information complète. En d’autres termes, si les protagonistes avaient su, dès le départ, à quelle sauce ils allaient être mangés, ils se seraient certainement gardés de tomber dans la gueule du loup.”

Mon commentaire :

Notez bien que le terme “éliminé” a une signification dont les joueurs n’ont pas encore conscience à ce moment-là. Ils signent un contrat en pensant que la punition serait au pire, une claque, au mieux, une élimination type “vous sortez”. A aucun moment il n’est expliqué ce que signifie une élimination, cependant aucun mensonge n’est proféré sur sa nature non plus.


Et je comprend que ça peut paraître bizarre voire contreproductif de les faire signer une première fois les règles sans leur dire ce qu’il en coûte vraiment.

Parce que bon, signé ou pas signé, s'ils savent ce que c’est après, ils ne voudront plus continuer non ?

QUE NENI !

C’est exactement l’inverse qui se produit et c’est sur ça que repose la technique d’amorçage. Leur faire signer publiquement un contrat les rendra plus à même de revenir et continuer de jouer que s'ils n’avaient rien signé. En fait, ça renforce même leur sentiment de vouloir continuer s’ils décident de revenir.




Concept 7 : La soumission librement consentie


Squid Game :

Le jeu commence. Oh c’est mignon un, deux, trois soleil. Haha la poupée elle est trop bizarre. Euh, what ? OH SHIT WTF? OH PTN MAIS C’EST QUOI CE JEU ?!!

(Oh pardon j’ai confondu cette section avec mes commentaires perso pendant le visionnage).

Donc le jeu ne se déroule paaaaas du tout comme les joueurs s’y attendaient et 255 personnes décèdent purement et simplement. Les joueurs restant utilisent alors la 3ème règle pour sortir de là (ce qui semble totalement valide). Sauf que certains sont déjà bien engagés dans le processus et le vote se retrouve à 1 voix prés en faveur de l’arrêt du jeu.

Et on peut dire merci à Papi Uno dont le choix à été décisif (Ou pas Enf***é).


Les fourberies de Squidpapi

Petit traité :

“ En somme, (...) le sujet est amené à réaliser le comportement que l’on attend de lui dans un contexte qui garantit son sentiment de liberté et qui exclut même toute représentation de soumission. C’est la raison pour laquelle nous avons forgée l’expression de soumission librement consentie pour traduire cette forme de soumission particulièrement engageante, qu’elle nous conduise à agir à l’encontre de nos attitudes, de nos goûts, ou qu’elle nous conduise à réaliser des actes d’un tel coût que nous ne les aurions pas réalisées spontanément. Tout se passe dans cette situation (pour le moins singulière) comme si l’individu faisait librement ce qu’il n’aurait jamais fait sans qu’on l’y ait habilement conduit et qu’il n’aurait d’ailleurs peut-être pas fait sous une contrainte manifeste.



Mon commentaire :

Vous l’avez bien compris à présent, répéter au gens qu’ils ont le choix, c’est le meilleur moyen de leur faire croire qu’ils l’ont. Ce qui ne veut pas dire que les personnes forcées n’auraient pas agi la première fois, simplement ils auraient été moins engagés à continuer sur du long terme lorsque la pression serait plus forte et les actes plus coûteux, ce qui sera le cas au fur et à mesure des épreuves. Et si ça vous paraît toujours contradictoire d’avoir laissé aux joueurs la possibilité de partir c’est que vous avez pas assez compris l’importance de l’illusion du choix dans la soumission librement consentie et donc l’engagement. (Et ça veut dire que j’ai pas bien fait mon taff du coup…).


Si vous avez vu la fin, vous pouvez comprendre maintenant pourquoi Papi Uno a validé la décision de stopper le jeu. (Parce que oui, pour ceux qui n'auraient pas vu la série, c'est lui qui est à l'origine de ce jeu. Pourquoi ? Le lol évidemment.)

En fait s’il a fait ça, ce n’est pas parce qu’il est sénile et qu’il a pas compris le principe du vote, non, s’il a fait ça c’est pour s’assurer que les personnes qui revenaient seraient réellement engagées !

En faisant ça, ceux qui reviennent sont intrinsèquement persuadés que c’est leur décision qui les a amené dans le jeu, et ça permet de s’assurer moins de rébellion (ça veut pas dire zéro non plus hein).


Pour "preuve"(Toute relative étant donné que c'est une fiction) : dans la première partie, 50% souhaitaient arrêter le jeu, et après être sortis, 93% décident de revenir en connaissance de cause. Je dirais même plus, 87% de ceux qui ne souhaitaient pas poursuivre sont finalement revenus sur leur décision !

(Statistique très foireuse basée sur le fait que 100% de ceux qui voulaient rester à la base seraient revenus mais c’est pas forcément vrai).



Pour résumer

  • L’engagement c’est le fait de persévérer dans un type de comportement, qu’il soit bien ou non pour l’individu.

  • L'engagement n'est pas dépendant des croyances de l'individu mais des conditions qui l'amènent à réaliser cet acte.

  • L’engagement est d’autant plus important que l’individu croit qu’il a pris librement sa décision.

  • Il existe différentes techniques pour amener quelqu’un à réaliser un comportement qu’il n’aurait pas réalisé seul (Porte-au-nez, pied-dans-la-porte, amorçage, etc.).

 

L'objectif de ces deux articles c'est de vous donner des outils pour comprendre comment certaines personnes peuvent vous manipuler, dans le cadre d'un achat ou d'une demande de service, par exemple.

Réfléchissez-y la prochaine fois que vous faites quelque chose contraire à vos envies ou opinion, est-ce bien vous qui avez réellement décidé ou une personne vous-a-t 'elle amenée à le penser ?



Après toutes ces explications, vous savez maintenant presque tout sur la théorie de l’engagement selon Joule et Beauvois ! Mais vous vous doutez bien que je ne vous ai pas tout raconté, je n'ai par exemple pas évoqué un autre concept phare de la psychologie sociale qui est également important pour comprendre l'engagement, à savoir la dissonance cognitive. Mais ce concept mérite un article (ou plusieurs) à lui tout seul !


Et puis après tout, vous n'êtes pas obligés de me croire sur parole. Si je pouvais vous donner un dernier conseil que vous êtes libre ou non d'accepter, ce serait de lire directement le bouquin qui est très accessible à travers tous les exemples et les différentes études qui sous-tendent chaque concept. (Promis les statistiques seront plus fiables que les miennes).



Merci d'avoir lu jusqu'au bout ! Vous êtes maintenant libre de partager, commenter, liker, etc etc etc.


Enfin c’est comme vous voulez.

Vraiment.

Vous êtes libres.






 

Source :


Beauvois, J. L., & Joule, R. V. (2002). Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens, les psychologues sociaux français. Éditions Presses Universitaires de Grenoble, PUG.







Si vous êtes encore là et que vous vous rappelez du début de l’article de l'épisode 1, j’ai souligné que Gi-Hun était un homme souffrant d’addiction aux jeux d'argent. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour la fan de psychologie sociale que je suis c’est un élément clé de compréhension des personnages. Si ça vous intéresse de savoir ce que ça implique d’un point de vue psychologique pour ces personnes de prendre part à un tel système faites le moi savoir et j’écrirais un nouvel article sur les phénomènes qui sous-tendent le principe d'addiction au jeux d'argent.




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