J’aime bien moi cette phrase :
L’intelligence c’est de savoir qu’une tomate est un fruit, la sagesse c’est de ne pas en mettre dans une salade de fruit.
Jusqu'à présent je n'ai jamais eu l'occasion de tenter l'expérience, je préfère mes tomates avec de la mozza et mes salades de fruits avec des vrais fruits sucrés.
D'ailleurs je vais vous faire une confidence, je suis toujours perturbée à la saison des entrées “melon/jambon cru”.
Et je me suis toujours pas remise de la création de la fameuse pizza Hawaïenne avec de l'ananas...
Et vous êtes peut-être comme moi, à penser que les fruits c’est sucré donc pour le dessert ?
Du coup qui s'est dit que ce serait bien de tout mélanger ?
Si les fruits c'est pour le dessert faut pas le mettre en entrée...
C'est l'anarchie sinon !
Et après on fait quoi, des chips dans du nutella ?!
Humm... Pardon, je me suis emportée...
Mais bon je m'interroge, en vrai, ça sort d'où cette idée que les fruits sont forcément sucrés et seraient juste pour le dessert ? Comment ça se fait qu'on construise des idées préconçues comme ça ?
Et bien ça mes amis, c'est à cause de nos représentations.
Les représentations
Les représentations c’est un truc que fait notre cerveau sans qu’on s’en rende compte. Parce que oui, notre cerveau est super fort sur plein de trucs, mais il a quand même souvent besoin d’utiliser des raccourcis pour un tas de choses.
Si je vous parle d'un fruit, l'image que vous allez vous créer dans votre tête sera différente de la mienne, ou encore de l'image que vous pourriez avoir demain ou dans 1h. Parce que vous ne pourrez pas penser à tous les fruits qui existent, vous aller penser à un élément qui va rassembler au maximum les caractéristiques de ce que l'on considère comme un fruit.
(Et vous n'avez d'ailleurs pas du tout pensé à une tomate n'est-ce pas ?).
En fait, vous avez créé une catégorie "fruits" organisée selon certains critères, par exemple le goût sucré.
Et ça c'est un processus cognitif naturel, la catégorisation.
C’est-à-dire, le fait de ranger, classer les connaissances qu’on a du monde dans des boîtes de représentation (Fruits), qui peuvent elles aussi aller dans des boîtes plus larges (Nourriture) ou contenir d'autres boites plus petites (Pomme, Pêche, Poire, Abricot, y en a une de trop).
Heureusement que l'on catégorise. Imaginez si à chaque fois que vous vouliez commander une salade de fruits vous deviez expressément nommer tous les fruits.
“Bonjour, je voudrais une salade de pomme, poire, fraise, kiwi, ananas, pêche.
- Désolée madame, nous n’avons que des salades de pomme, poire, fraise, kiwi ananas, nectarine.
- Ah d'accord merci quand même
- …”
Ou pire, si on devait donner un nom à chaque pomme individuelle, vous imaginez la galère des étiquettes pour dénommer une compote de pomme ?
Donc catégoriser c'est normal et c'est bien ?
Alors pas toujours...
C’est bien de faire du rangement, mais des fois on range des choses dans des catégories parce que c’est ce qu’on nous a dit (Si c'est sucré c'est un fruit, si c'est salé c'est un légume) et on va avoir tendance à leur donner les mêmes critères : on va généraliser (Les légumes sont tous salés, les fruits sont tous sucrés). C’est ce qu’on appelle des stéréotypes.
Stéréotypes
Un stéréotype est donc une généralisation, une représentation que l’on se fait de quelque chose, mais il peut être faux. Il peut être négatif (les légumes moches sont moins bons), neutre (la tomate est un légume) ou positif (toutes les plantes sont bonnes pour la santé).
Et quand un stéréotype influence une opinion que l’on a, on appelle ça un préjugé.
Préjugés
Un préjugé est un jugement émotionnel lié à un stéréotype.
Par exemple, avoir du mépris pour les individus qui consomment de la pizza à l’ananas sans avoir jamais goûté.
Vous pouvez avoir cette opinion parce que dans votre esprit, l’ananas n’est pas un aliment qui correspond à votre représentation de ce qui doit aller sur une pizza (Stéréotype) et donc vous vous faites une opinion négative du goût que ça pourrait avoir (Préjugé) et de la qualité douteuse des gens qui consomment ce genre de pizza (Préjugé).
Et si on peut considérer qu’un préjugé ce n’est rien de grave en soi parce que chaque personne a le droit d’avoir son opinion (Les goûts et les couleurs tout ça).
Le problème peut survenir si de ces opinions découlent de la discrimination voire un comportement hostile.
Discrimination
Il y a discrimination lorsque l’on se comporte différemment avec des gens sur la seule base de leur appartenance (réelle ou supposée) à un groupe. On va se baser sur des stéréotypes et nos préjugés pour justifier notre comportement.
Exemple : Refuser l’entrée sous votre toit à tout individu qui mange des pizzas à l’ananas (Discrimination), parce que de l'ananas n'a rien à faire sur une pizza (Stéréotype) et que vous pensez que c'est dégoutant (Préjugé).
D'accord, mais concrètement ça sert à quoi de savoir ça ?
Ca sert à comprendre que parfois, il est bon de remettre en questions les vérités que l'on pense avoir sur nos propres représentations du monde...
Alors là expliqué avec des fruits et des légumes c’est bien mignon, mais si on remplace la pizza à l’ananas par la couleur de peau, le genre, ou l’orientation sexuelle c’est un peu moins mignon...
Parce que finalement, le racisme, le sexisme, l'homophobie, ce sont des courants de pensée basés sur des stéréotypes et des préjugés négatifs sous prétexte de l'appartenance à un groupe perçu comme inférieur. Ces stéréotypes sont intégrés à nos représentations au cours de notre développement, par la famille, la société, les médias, et si on ne se questionne pas sur nos propres croyances et leurs origines on ne peut pas comprendre pourquoi elles peuvent être erronées.
Catégoriser c’est naturel, mais se cantonner à ces préjugés, par contre, c’est ne pas voir la complexité du monde dans lequel nous vivons. C'est prendre le risque de se tromper dans le meilleur des cas, mais de générer de la souffrance dans le pire.
Voici donc mon conseil, si vous voulez inviter des gens à manger :
Quand vous allez faire vos courses pour votre entrée, c’est pas grave d’aller au rayon légume pour acheter des tomates pour un classique tomate/mozza, mais pensez que vous pouvez aussi faire un tour au rayon fruit pour tester le melon en entrée, vous pourriez être surpris.
(Par contre mettez pas de tomate dans votre salade de fruit sans déconner...)
Sources
Français :
Doise, W. (1976) L’articulation psychosociologique et les relations entre groupes, Bruxelles, A. de Boeck.
Leyens, J. P., Yzerbyt, V., & Schadron, G. (1996). Stéréotypes et cognition sociale (Vol. 214). Editions Mardaga.
Légal, J. B., & Delouvée, S. (2015). Stéréotypes, préjugés et discriminations. Dunod.
Anglais :
Allport, G. W., Clark, K., & Pettigrew, T. (1954). The nature of prejudice. Addison-Wesley
Pour aller plus loin
Vidéo PsychoPops sur la catégorisation
https://www.youtube.com/watch?v=0GcsYRx7BGs&ab_channel=JoulPsycho
Merci J ai apprécié l approche pédagogique partant d un exemple simple Le définition concise des termes (en gras) utilisés et leurs relations Enfin l ouverture sur une réflexion concernant des sujets plus sérieux que la tomate 🍅 ;-)
la lecture est agréable .on commence par la tomate pour finir a la catégorisation .le sujet est emmené tout doucement sans prise de tête. bravo bien joué 😀😍😎